L'humain


 

La chute est rude, cette descente en eau profonde, que cela peut être froid de s'enfoncer au plus profondément des abysses. J'ai connu la vie d'un homme qui croyait tant en l'humain. C'est en explorant les fonds marins que l'on peut voir que toute vie se ressemble. « Le plus gros mange le plus petit », dans un monde qui tente de survivre, c'est toujours la même pièce ronde qui commande, qu'importe les mœurs, le chemin parcouru, il n'y a définitivement qu'une seule et unique règle.

Il s'agit de passer le reste du temps, à vivre, pour ne faire que des constats. Le véritable danger, je l'ai trouvé, lorsque j'ai payé les prix ultimes pour obtenir tout ce dont j'ai toujours rêvé. Pour ne pouvoir me dire qu'à la fin, tout avoir est si lassant. Rien ne va jamais suffisamment, je ne suis donc qu'un humain insatisfait parmi tant d'autres. En avoir si marre de vivre, peut être faut-il tout perdre pour retrouver le plaisir d'avoir si peu ?

Perdre l'habitude d'être au sol, parmi les si nombreux échecs du passé, pour avoir oublier à quel point il est si simple d'être heureux, avec si peu. J'ai tout tenté, devenir le pire et devenir le meilleur. Avec le cœur sur la main, la vie frappe pour rappeler qu'aider n'apporte rien de plus que de s'enfermer dans la misère du monde. Ne plus tendre la main, pour ressembler à tout ce qu'on peut jurer de combattre toute sa vie et finalement tout avoir, au prix d'en perdre la raison et son âme.

Il est possible d'avoir le mal de vivre, de ne plus pouvoir apprécier la moindre compagnie tant qu'on sera qu'elle sera fausse. Amie un jour, ennemie demain. Amour un jour, divorce parce que tout se sait un jour. Être condamné à la solitude, méritée, pour avoir voulu goutter aux joies d'être enfin humain. Le prix était tellement élevé, qu'il était difficile de ne pas imaginer la récompense. Celle de tout avoir et de tout perdre à la fois.

Le renouveau a lui aussi un gout amer, brûler pour tout recommencer n'est plus envisageable. Que se passe-t-il lorsqu'il n'est plus possible de renaître ? Vol ma vie, je volerai la tienne. Toujours pas cette âme qui te ressemble à l'horizon, cette histoire apaisante ou je pourrai respirer, blotti, sans jugements ni questions. Il y a toujours des choses à dire, se justifier, le repos même durant la nuit est devenu impossible, lorsque pouvoir se poser quelque part devient un luxe.

Je ne prétends pas que tout est perdu lorsque j'ai tout ce qu'il me faut, et cela depuis si longtemps. Je pense sincèrement que je ne serai jamais rassasié tant que la vie n'aura pas dit stop. Ce n'est pas que ce monde n'a plus rien à m'offrir, ce n'est que moi qui n'ai plus rien à donner. Je voulais tant prouver qu'il était toujours possible de sourire, quand les sourires en face ne sont que mensonges et cupidité, aussi bien en amour qu'en amitié, tout est une question d'échange perpétuel ou le moindre manquement mènera à une rupture.

Il est fort probable que je sois devenu ce cœur de pierre en fin de compte, sans m'en rendre compte que je ne ressens que le poids de mon mépris constant sur les épaules. Et rien ne me fait plus plaisir que de voir l'humain échouer lorsqu'il préfère un chiffre plutôt que sa vie. Faut-il vraiment être triste de ce qu'il se passe, ou être heureux que notre espèce se plante encore et toujours ? Je suis dans le même chemin que nous, humain, cette fois c'est sûr, j'en suis un à pleine couture.


Jack Schreiber

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