Où es-tu passé

       



               Tu étais mon monde, mon centre gravitationnel, où es-tu passé aujourd'hui ?

             Maintenant, je ne marche plus droit et les sons me paraissent sourds.

         Peux-tu sauver ma mobilité, à défaut de mon esprit, où est-il maintenant ?

            Je vois mon crâne, flotter là, dans les airs. Toujours au-dessus des nuages

                             Moi au-dessus du monde. La fin est proche, ma fin ?

 

 Une pluie de mensonges s'abat à chaque réveil, la nuit m'éclaire et le soleil ne m'intéresse guère plus.

Il fait si froid. 


Qu'il faut continuer à marcher, sans but, sans direction. Et je m'y rends


On ne regardera pas les efforts fournis, ce qui compte c'est d'étaler les charges de travail, creuse avec la pioche mais la roche est si dure que mes mains deviennent aussi rouges que cette haine. Le ciel, lui, continuera de pleurer, toutes vos larmes sont toujours écoutées. Mais moi je suis encore en vie.

Injustice.

Je sais où tu te trouves, nous avons la même couleur et tu n'apparais toujours pas, dans ma nouvelle vie, où es-tu. 

Pas d'astrologie pour deviner que je dois venir te rendre visite. Voudras tu te débarrasser de moi toi aussi, c'est déjà réussi une première fois. Que vas-tu m'apporter, toi qui as agi avec ta colère toute ta vie ? Oui nous sommes pareils et je suis encore avide de savoir.

 Je pensais pouvoir prendre le temps de fermer certaines pages, mais d'autres s'ouvrent en permanence, et je n'ai jamais le temps de souffler. Où sont passés mes amis, ma famille, ma meilleure amie. Parmi ces jours sombres, je n'y vois que mon reflet dans le miroir.

Victime du succès de mon double, l'affiche d'une personnalité criblée par le désespoir.

 Je vivais de souffrance, aujourd'hui c'est bien plus que la peur qui me hante. C'est d'avoir des chaines en plus, de revoir les portes de cette prison, de le revoir, lui, celui qui a tombé tous mes masques d'une facilité déconcertante. tant d'années à bâtir des images de soi, pour me protéger et au final mourir en un instant ?

 Quelle est la logique de mes combats si c'est pour tomber à la moindre flèche aujourd'hui ? Je me pose sans arrêt que je n'aurais pas dû donner la vie, et puis je la regarde et me rends compte que je suis en train de laisser la place à un fantôme en guise de père. Il faudra lui expliquer que la vie est belle, alors que je la vois que comme une lame qui s'enfonce et prends plaisir à me tuer à petit feu, comme mon chef.

 Il fallait partir, et puis les chaines se bloquent, à chaque son de celle-ci : l'étreinte se resserre sur mes os pétris dans ma chair encore fraîche de peines et de haine. Peut-on vivre et souffrir à ce point pour pouvoir sourire, l'heure tourne encore en un instant et c'est les larmes qui reviennent. Les rêves ne sont plus qu'une fatalité aujourd'hui et dessinent le reste de ma vie. 

 Éternels regrets en boucle, mes rêves sont un film à l'instar de ma vie. Le clairon sonne et il faut partir enfiler son masque pour travailler, comme ils disent. Marcher dans le froid de ce début d'hiver ne m'a jamais paru aussi difficile. A défaut de savoir que je vis dans un film, tout est écrit depuis le départ. maintenant j'y vois toutes les scènes à l'avance avec la conviction certaine de savoir quoi faire. Rassurant pour quelqu'un qui n'a jamais pu prévoir les chutes.

 Je fume là ma pipe, à l'effigie de son temps, futuriste et vaporeuse pour embraser mes vers. Et il y a des morts à chaque seconde que le temps passe. où suis-je dans cette liste interminable, si tenté qu'il existe pourquoi décider de me laisser encore dans cet enfer perpétuel. Vous êtes tous là-haut et moi je suis encore là à me poser des questions.

Tu le savais et tu n'as rien dis. Combien de tes chimères m'enverras tu, combien de rêves de l'instant où tu es morte sur cette route de merde me montreras tu. Combien de personnes soi-disant semblables à toi m'enverras tu ? Combien de nouvelles lectrices approches tu de moi pour me faire espérer ?

 Il y a un temps pour vivre, et un temps pour mourir. Prévisible, mais c'est la vie qui veut ça, la neige tombe chaque hiver et ça ne changera jamais. Pourquoi me reprocher d'être toujours le même enfant prévisible ? Si la vie l'est tout le temps ? Plus besoin de réveil qui sonne, pour deviner que ce n'était pas la réalité. Mes yeux s'ouvrent car les rêves de vos morts sont devenu bien moins pire que ce quotidien à affronter chaque jours.

 

Jack Schreiber

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